Entre L’Union Générale Tunisienne du Travail et le Président Kais Saied : Tension conjoncturelle ou crise structurelle ?

Séminaire virtuel

Les relations entre le syndicat majeur de Tunisie, l’Union générale tunisienne du travail, et la présidence de la République ont connu une certaine tension depuis que Kais Saied a annoncé les procédures du 25 juillet, et surtout depuis l’annonce du 22 septembre. Les aspects de la crise exprimés par les déclarations inquiètes des dirigeants de l’organisation syndicale face au mépris de la Présidence de la République s’articulent en plusieurs points : le monopole exercé par le Président de la République sur tous les pouvoirs sous le régime d’exception, sa marginalisation de l’initiative de dialogue présentée par l’Union il y a plus d’un an, son rejet des corps intermédiaires tels que les partis et les syndicats, en plus du vague discours du Président sur les mesures d’austérité, sont autant de signes qui risquent fort d’impacter la réalité sociale du pays.

Le syndicat se considère comme un partenaire à part entière dans l’établissement de la constitution de 2014. En effet, il s’agit là d’une donnée historique en raison de la pression exercée par l’organisation syndicale sur les différentes parties au conflit en 2012 et 2013 les incitant à s’entendre sur le consolidation des institutions permanentes, y compris la constitution. Pour ceux qui connaissent l’histoire de l’Union, ce rôle n’était rien d’autre que la continuation de son rôle national de longue date en tant que partenaire dans la bataille pour la libération du colonialisme, ainsi que dans la construction de l’État national et dans la protection des droits sociaux des les classes moyennes et défavorisées. D’un point de vue purement historique, l’union est tout ce qui reste du noyau de l’élite fondatrice de la lutte nationale et de la voie de construction de l’État après l’effondrement des partis qui ont fait de la fondation leur légende fédératrice. L’Union a su retrouver son rôle et sortir de la crise de la révolution et de l’implication de ses dirigeants dans le régime de Ben Ali, et elle est devenue le principal acteur politique et social tout au long de la décennie qui a suivi les événements de la révolution.  Ce rôle semble aujourd’hui remis en cause par le comportement du Président de la République face aux multiples initiatives et autres appels de l’UGTT à l’impliquer dans les décisions politiques importantes.

En observant la performance de la présidence, ces craintes ne semblent pas exagérées. La tendance du Président de la République à concentrer tout le pouvoir entre ses mains est cohérente avec ce comportement méprisant l’organisation ouvrière. De même que le président s’est focalisé sur certaines composantes de l’arène politique et civile qui ont mobilisé les soutiens nécessaires pour ses actions le 25 juillet, le tournant du 22 septembre n’a laissé aucun doute sur son intention d’abolir tout le système constitutionnel, d’annuler toutes les garanties de la séparation des pouvoirs et de cibler le système électoral. Les craintes de l’organisation résument en fin de compte non seulement les inquiétudes de l’organisation politique concernant les actions du président, mais aussi les inquiétudes de la société civile, qui se sent également menacée.

Le syndicat est-il en train de devenir le levier politique et civil face au monopole des pouvoirs du président et à son unicité d’opinion ? Le « projet de construction par le bas » est-il une menace pour le système représentatif libéral traditionnel ? Le syndicat anticipe-t-il les douloureuses mesures d’austérité auxquelles se dirige le gouvernement en raison du trou budgétaire et de la difficulté à trouver des financements extérieurs ? Peut-on s’attendre à une convergence des préoccupations sociales et des peurs politiques dans le comportement politique de l’Union dans la période à venir d’une façon qui ferait de l’organisation la première opposition aux orientations de la présidence dans ses aspects politiques et sociaux ?

Le Centre d’Etudes Stratégiques présente ces thèmes de discussion dans le séminaire virtuel dans lequel le Professeur Abdelouahed Mokni, Professeur d’Histoire Contemporaine et Président de l’Université de Sfax, animera et sera interviewé par le Professeur Zaki Rahmouni, ancien membre de la Haute Autorité Indépendante de Élections. Abdelouahed Mokni est professeur de l’enseignement supérieur à l’Université tunisienne, professeur d’histoire contemporaine à la Faculté des lettres et des sciences humaines de Sfax, et président de l’Université de Sfax pour deux mandats. Parmi ses ouvrages les plus importants figurent « Les élites sociales tunisiennes au temps du colonialisme français (1881-1956), « Origine et séparation, dans l’histoire des familles de Sfax »,  « Farhat Hached , Fondateur, Témoin et Leader martyr », « La difficile équation », « L’échec du mouvement moderne des Lumières dans les pays arabes. »

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