Du populisme à l’autoritarisme, retour à la case départ

Séminaire virtuel, 30 décembre 2021

« Le souverain ne peut être soumis à la loi, il est la loi. » Ces mots trouvent leur sens dans le discours politique d’un certain nombre d’acteurs clés de la scène tunisienne, mais avec des formulations différentes par rapport à celles formulées par « Carl Schmitt », auteur de « Théologie politique », qui a lancé le concept de « souveraineté » et a défendu la ligne de l’autoritarisme absolu.

Dans le cas des acteurs politiques tunisiens, parmi les leaders du mouvement populiste et de ses symboles dans le pays, on retrouve un discours fondé sur la dualité du bien et du mal, de l’allié et de l’ennemi, ainsi qu’une réitération des approches de Schmitt posant les fondements du discours autoritaire, qui à son tour représente un pilier majeur dans le discours populiste du « souverain » victorieux, fait de dualités inéluctables. 

Le discours populiste a trouvé un certain écho parmi les Tunisiens qui y ont trouvé une réponse à l’état de désespoir et de colère contre la classe politique aux affaires lors de la dernière décennie. Cette classe a lamentablement échoué à atteindre les objectifs de la révolution, ce qui a élevé le niveau de pessimisme et d’anxiété face à l’avenir.

Les courants populistes promettent le retour de la « souveraineté au souverain », c’est-à-dire au peuple qui est passé de la délégation de sa souveraineté à son exercice aux côtés du « chef » dont les traits se dessinent dans le régime autoritaire où l’individu représente la volonté du peuple et de son chef dans sa guerre contre « l’ennemi » et dans la recherche du salut.

Dans le discours populiste « le peuple » est exempt d’erreur, et c’est aussi le cas dans le discours autoritaire.  C’est un point de similitude sur lequel Lotfi Issa, professeur d’histoire culturelle à l’Université de Tunis, agrégé et titulaire d’un doctorat d’État en histoire, met en exergue dans ce séminaire. Adnen Mansar interviewe Lotfi Issa dans le but d’analyser et de comprendre les points d’intersection entre l’autoritarisme et le populisme, et leurs manifestations dans le discours des politiciens dont le discours a alimenté la colère face aux réalisations des dix dernières années. Sommes-nous face au populisme ou à l’autoritarisme ? Le professeur Issa nous informe que les deux concepts ne peuvent pas être séparés.

Le populisme se situe entre deux enjeux, le premier est « la sanctification du peuple » en tant que bloc qu’on ne peut confondre, selon Lotfi Issa, et le second est la construction politique après la démocratie représentative, et comme l’autoritarisme, il se fonde sur une critique acerbe de la pensée politique libérale et de ses limites et de son atteinte à la « souveraineté », et dans des contextes tunisiens comme dans d’autres, les courants populistes et autoritaires proposent des approches post-démocratiques fondées sur la fin de la représentation et des corps intermédiaires. La rhétorique populiste touche les émotions du public, et agit comme si elle représentait sa frustration et sa colère face à « l’échec de la décennie noire » et à la « classe politique corrompue », et elle cherche à mettre fin à tout cela par une action de salut collective. Cependant, les expériences d’autres peuples nous apprennent qu’entre « populisme » et « autoritarianisme » il n y a qu’un pas, souvent franchi au nom du « salut ».

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