Alors qu’il semble y avoir unanimité parmi les spécialistes des affaires politiques sur l’importance des influences extérieures dans la « voie de la démocratisation » en Tunisie et sur les graves conséquences de l’instabilité régionale et internationale dans le contexte dans lequel les prochaines élections présidentielles et législatives auront lieu, il est à noter que les candidats à la présidentielle en particulier ont tendance à minimiser l’utilisation de tout élément rhétorique lié à ces questions.
Le premier tour de l’élection présidentielle se tiendra exceptionnellement le 15 septembre, précédant la course aux législatives, ce qui pour de nombreux analystes signifie que le premier scrutin influencera le second, et aussi que les deux candidats qui passeront au second tour seront probablement ceux soutenus par un parti politique fort, puis soutenus par un bloc parlementaire solide. Il est fort probable que le futur président de la République bénéficiera d’un fort soutien parlementaire, lui permettant d’appliquer les prérogatives permises par la Constitution en matière de sécurité nationale et de politique étrangère.
C’est dans ce contexte particulier que nous proposons d’organiser un séminaire sur «la politique étrangère de la Tunisie après les élections». Le Centre d’études stratégiques sur le Maghreb a choisi cette question particulière pour faire l’objet de son premier colloque, suite à une interruption forcée d’activité qui a duré environ quatre ans.
Les participants au colloque, professionnels des médias, observateurs et militants, écouteront attentivement un certain nombre de candidats expliquer leurs visions sur des sujets internationaux et régionaux. Lorsque nous avons tenté d’identifier les problèmes majeurs que la Tunisie n’a pas encore résolus après les élections, nous avons constaté que la question de «l’instabilité» ne peut être ignorée, en raison de ses répercussions directes sur la situation économique et sociale, dans une période fragile de «transition démocratique».
D’une part, la situation libyenne est extrêmement importante dans ce contexte, en raison de ses répercussions directes à tous les niveaux en Tunisie. Et il en va de même pour l’Algérie: c’est le voisin le plus proche, le plus puissant et traditionnellement le plus influent. De plus, et depuis quelques années, la Tunisie s’est retrouvée sous l’influence de politiques puissantes venant du Golfe, animées par deux axes divergents, au point que les prétendants politiques en Tunisie ont pris l’habitude de classer partisans et opposants selon leur alignement avec un axe ou un autre.
Quant au soi-disant «Deal du siècle», couronné par la conférence de Bahreïn, il pose inévitablement d’autres défis dont le pays a réussi jusqu’à présent à se distancer. Cependant, les effets de ce contexte peuvent augmenter en gravité et en danger à mesure que ce projet et les possibilités de sa mise en œuvre deviennent plus clairs et plus imposants. En outre, la crise économique et financière qui s’enlise jour après jour dans le pays ajoute aux problèmes déjà imposés par la situation régionale et le contexte international difficile. La conséquence directe est la poursuite constante du financement du premier chapitre du budget par l’emprunt, alors que l’on constate les capacités limitées de financement du chapitre deux, les investissements publics étant quasi inexistants. Pire, les bailleurs de fonds ont commencé à lier les financements aux positions de politique étrangère imposées à l’Etat tunisien lors de crises et de désaccords régionaux ou internationaux.
Aussi, la Tunisie s’est trouvée affectée par la situation économique et financière désastreuse des pays de la rive nord de la Méditerranée en raison de la forte connexion de ses échanges avec le marché européen. Pendant des décennies, les influences européennes ont eu le dernier mot sur les changements majeurs que le pays a subis: l’influence des ambassades européennes est notoire en Tunisie, et elle trouve constamment l’occasion de s’enraciner chaque fois que le «chemin de transition» s’affaiblit, ou lorsque le la crise s’intensifie. En attendant, la voie de l’intégration des politiques du pays dans la vision européenne des relations entre les deux rives ne s’est jamais arrêtée, comme en témoignent les débats sur le projet de la convention ALECA, largement commentés par les principaux acteurs politiques et sociaux, et dont le sort a été renvoyé jusqu’à la période post- électorale.
Le Centre d’études stratégiques sur le Maghreb espère, à travers ce colloque, ouvrir un débat sur le thème de la politique étrangère tunisienne, contribuer à offrir un contenu sérieux aux dialogues qui auront lieu à l’occasion des élections entre les différents observateurs et candidats, et à donner à la question de la politique étrangère une partie de l’effort de correction de la polémique la place qui lui incombe dans le débat afin de se conformer aux pouvoirs accordés au Président de la République par les dispositions de la Constitution.